L’âge de la foi n’est pas si loin
derrière nous.
Dans la trame de l’Histoire,
c’est notre Moyen-âge qu’on appelle l’âge de la Foi, mais le qualificatif
aurait pu être étendu à bien d’autres époques et parties du monde où a prévalu la force du fait religieux. Qu’auraient été les
civilisations égyptienne, hébraïque, indienne, précolombiennes, pour ne citer
qu’elles, amputées de leur dimension religieuse. Et, même s’il serait réducteur
de ramener tous les problèmes à la seule dimension religieuse, que comprendrait-on aujourd’hui
des problèmes du Moyen-Orient en évacuant la composante de l’Islam ?
Mais c’est aussi une vision
réductrice que de confiner la foi dans sa seule dimension religieuse. Car
si on entend par foi, la croyance irraisonnée, à cette aune, il est bien
d’autres fois que la foi religieuse, et leur âge déborde allègrement les
limites du Moyen-âge : le rationalisme, qui s’épanouit au XVIIIème siècle
en prétendant fonder sa démarche en marge de toute croyance, et qui sous-tend
toutes les grandes avancées techniques et scientifiques des XVIIIème et XIXème
siècles, débouche lui aussi sur des certitudes du scientisme guère plus raisonnées que les
dogmes qu’il prétendait battre en brèche : la foi dans le progrès et la
certitude que la raison est la clef du bonheur.
Ainsi cette autre foi, tout
autant que sa concurrente religieuse, a-t-elle accouché de dogmes avec
l’habituel cortège d’illusions et de drames qui accompagnent tout système
messianique. Le matérialisme historique, enfant adultérin du capitalisme
triomphant, dépassant la seule description de la société, lui trouve le ressort
unique de la lutte des classes qui, se substituant à la main de Dieu, lui
tisse, siècle après siècle, une destinée tout aussi mythique que la Jérusalem
céleste : la dilution de l’histoire dans une société sans classes,
pourvoyeuse d’une félicité éternelle. Des millions d’hommes adhérèrent à
cette foi, d’autres millions y furent assujettis de force. On sait ce qu’il en
advint. Le nazisme, avatar monstrueux du darwinisme, prétend s’appuyer sur
la science pour substituer à la destinée biblique d’un peuple élu par Dieu,
celle profane d’un peuple élu par le sang et l’histoire. Là encore des
millions d’hommes adhérèrent à cette foi, là encore d’autres millions y furent
assujettis de force. Cette religion eut son enfer bien réel mais l’Eden
millénaire promis au peuple élu vola en éclat en moins de quinze ans.
L’étonnant dans ces naufrages
successifs des croyances, c’est de voir que les leçons du passé ont peu de
prise sur la propension des hommes à recréer sans cesse des certitudes
factices, qui ne sont le plus souvent que la résurgence de vieux mythes dont on
s’empresse d’oublier le naufrage par un ravalement de façade qui leur rend une
apparente virginité… Sans doute l’homme ne se satisfait-il pas de l’état de
doute et a-t-il donc besoin de certitudes absolues, fût-ce au prix d’un
aveuglement consenti !
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